Certains profs me font perdre patience, c’est épidermique.

Pendant longtemps j’ai résisté, posant des questions, demandant des clarifications, tentant de reformuler… En vain, on n’y comprenait rien. Ou pire : c’était complètement faux. Je bouillais intérieurement. 

J’ai fini par abandonner. 

 

Ce matin-là, je choisis, comme une ado, de mettre mes écouteurs pour ne rien entendre du cours. J’écoute un podcast avec Michel Pastoureau sur le blanc, la couleur.

Il est très vite question des 3 couleurs primitives : le rouge (de la terre), le noir (du végétal brûlé), et le blanc (de la pierre). 3 couleurs disponibles dans la nature sans (vraiment) de transformation. 3 couleurs utilisées par l’homme depuis toujours. 3 couleurs fondatrices.

Tellement fondatrices que mêmes les frères Grimm en ont fait le coeur d’un de leurs contes.

 

« C’était au milieu de l’hiver et les flocons de neige tombaient comme des plumes ; une reine qui était assise près de sa fenêtre au cadre d'ébène et cousait. Et comme elle cousait et regardait la neige, elle se piqua le doigt avec son épingle et trois petites gouttes de sang en tombèrent.

Et voyant ce rouge si beau sur la neige blanche, elle se dit : "Oh! Si j’avais un enfant blanc comme la neige, rouge comme le sang et noir comme l'ébène!"

Bientôt, elle eut une petite fille qui était aussi blanche que la neige, avec des joues rouges comme du sang et des cheveux noirs comme l'ébène ; ce qui fit qu’on la nomma Blanche-Neige. » (Contes des frères Grimm, traduits par Félix Frank et E. Alsleren, contes allemands du temps passé, éditions Didier et Cie).

 

En écoutant la voix d’André Dussollier qui lit ce passage, mon regard s’arrête sur Mariame, Ila et Chrystèle devant moi, noires de peau comme le bois d’ébène, avec un sourire blanc étincelant comme la neige, et toutes trois avec un accessoire vermeil près de leur visage : l’une a un large bandeau rouge dans ses cheveux, l’autre une pince rouge et la dernière des boucles rouges qui pendaient de ses oreilles.

J’ai devant moi un trio de "Blanche-Neige".

 

Chrystèle porte souvent ces boucles en tissu rouge. 

Et Mariame son large bandeau accompagné d’une perle blanche sur ses oreilles. 

 

Je n’ai plus eu besoin de mes écouteurs d’ados pour m’évader en amphi : j’ai eu en permanence devant mes yeux une réinterprétation de Blanche-Neige et de la Jeune Fille à la perle de Vermeer.