LETTRE A LA COULEUR ROUGE
APRÈS DE VINCI AU MUSEE DU LOUVRE
3 décembre 2019
Ma chère Rouge,
Il m’a été bien difficile de te trouver cette fois-ci. Tu étais plus visible dans les éclairages et insignes lumineux du Louvre que dans les œuvres de Vinci.
C’est ton camarade bleu qui m’a attiré l’œil plusieurs fois. Sur la robe de la Vierge, dans le tableau de la Madonna Benois ou celui de Sainte Anne et la Vierge. Un bleu éclatant. Étonnant même quand on sait la rareté du pigment à l’époque du Quattrocento. Était-ce d’ailleurs le même bleu qui a attiré mon œil aujourd’hui que le bleu sur lequel Vinci a décidé de déclarer sa toile terminée, il y a plus de 500 ans? Les œuvres ont été restaurées par les musées, les couleurs ont été rendues éclatantes pour le plaisir de nos yeux, mais était-ce même éclat qui brillait dans les yeux du public de la Renaissance? On ne saura jamais.
Et puis peu importe, car après tout, la couleur est avant tout perception, et la perception reste profondément subjective.
Pardonne-moi, ma chère Rouge, de cette digression sur le bleu. C’est qu’ils ont été peu nombreux à avoir l’audace, à cette époque, de peindre la robe de la Vierge en rouge. On peut en compter deux chez Vinci : dans l’Annonciation et dans Sainte Anne. Mais c’est un rouge timide, presque rose et recouvert d’un drapé bleu monumental. Van Eyck, lui, a osé la robe rouge éclatante dans son Annonciation. Un rouge puissant et imposant comme celui de La Belle Ferronnière de Vinci.
Qu’elle est splendide cette Belle Ferronnière ! De 3/4, le regard qui va plus loin que nous, son bijou en travers du front qui vient équilibrer la verticalité du buste. Elle est douce, ronde, gracieuse mais digne. Son habit est éclatant grâce à toi.
Le drapé du bras est bien celui du Quattrocento. Un drapé multiple: blanc, or et bien sûr un drapé rouge, dans toutes tes nuances de la plus douce à la plus vive.
Qu’elle est splendide cette Belle Ferronnière ! Peut-être plus que la Joconde. Certes, il n’y a pas le sourire énigmatique et la perspective atmosphérique de Vinci. Mais finalement, elle mériterait autant d’attention que sa camarade Mona Lisa.
Il a suffi de peu.
Un vol de tableau en 1911.
Et si Vincenzo Peruggia avait volé la Belle Ferronnière à la place de la Joconde pour la “restituer” à l’Italie, peut être serait-elle devenue notre Mona à nous, le tableau le plus populaire de tous les temps ?
De quoi rendre jalouse Lisa Gheradini del Giocondo (mais de quelle jeune femme d’ailleurs?...)
Et toi, chère rouge, à l’honneur pour l’éternité.
De quoi faire rêver, non?
A très vite.
Avec toute mon amitié,
Stéphanie