top of page
IMG_DBDD27E7CCB1-1_edited.jpg

LETTRE A LA COULEUR ROUGE
APRÈS DEGAS A L'OPERA AU MUSÉE D'ORSAY

27 novembre 2019

Ma chère Rouge,


Quelle joie de te revoir ! Là dans ces simples 5 lettres, celles de la signature de Degas.


Quand j’ai commencé à t’écrire des lettres il y a quelques mois, il y a ceux qui me prenaient pour une folle, ceux que ça amusait, et puis - beaucoup moins nombreux - ceux que ça intéressait. 

Peu importe. Quand on est artiste, le monde attend qu’on lui dise quelque chose sur lui-même. Je crois que je préfère t’écrire à toi, tout simplement.

Je t’avais promis de t’être fidèle. Alors pour tenir cette promesse, je m’engage : à chaque nouvelle exposition, au milieu de tout un débordement d’émotions face à l’audace, la finesse, ou la profondeur du travail de l’artiste, je m’engage à te chercher. Je laisserai mon œil être surpris par toi, où que tu sois : du simple badge de l’agent d’accueil, à la plus subtile touche de toi dans une œuvre.


J’étais très impatiente de commencer avec Degas, ce matin. Et tu n’as pas attendu : première salle, premiers travaux, tu étais là. Au bas de ses dessins de mouvements au crayon, académiques mais puissants, dans sa signature.

Amusant, non ? Le jour où je me lance dans cette nouvelle expérience, les premières signatures visibles de l’expo sont en rouge… 

De loin, la calligraphie de Degas est reconnaissable, mais le trait semble hésitant. De près, il s’agit plus d’une marque que d’une signature. Un tampon à l’encre? Un sceau à la cire?

La pression est irrégulière selon les lettres, du coup tu apparais, ma chère Rouge, plus ou moins densément. Parfois le trait bave un peu. On dirait presque une tentative maladroite d’un enfant qui écrit son prénom pour la première fois. 5 petites lettres, posées là, de façon timide et hésitante. Touchant mais étonnant pour un artiste qui respecte autant la ligne : « une fois que j’ai la ligne, je la tiens » dit-il à Walter Sickert « Je ne la lâche plus ». Il a dû oublier qu’il s’agissait d’une ligne. Ou alors peut-être était-ce une ligne qu’il « n’avait » pas, qu’il ne « tenait » pas, et donc qu’il a « lâchée ».

Comme si dans l’acte de signer, il y avait une forme de dépossession.

Ah ma très chère Rouge, merci! Merci par ta présence de célébrer un détail qui n’en est pas un.

Vivement la prochaine expo!

Avec toute mon amitié,

Stéphanie.

bottom of page