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LETTRE A LA COULEUR ROUGE
APRÈS BACON EN TOUTES LETTRES AU CENTRE POMPIDOU

4 décembre 2019

Ma chère Rouge,


Assise dans une des dernières salles de l’expo Bacon à Pompidou, je suis seule. 

Oui seule, tu as bien lu. 

Tu te demandes comment c’est possible que je ne sois pas au milieu de la foule habituelle qui déambule dans les galeries 1 et 2 de Pompidou. De ces foules qui te gâchent le plaisir d’aller voir une expo. Je t’avoue que moi-même je suis surprise d’être la seule dans cette salle. 


Cependant, c’est en partie grâce à toi. Certes le coupe-file m’a aidé - je suis rentrée parmi les premiers - mais c’est surtout toi qui m’as poussé à hâter le pas et à traverser les salles sans m’arrêter, d’explorer une autre façon de visiter : ne s’arrêter sur aucun tableau, ne lire aucun texte d’introduction, et simplement aller là où tu m’attendais. 

Mais où m’attends-tu ? Pas simple. Car tu es partout, même dès les premiers tableaux : du rouge. Cela fait sens évidemment, dans l’obsession de Bacon de déchirer le corps, d’exposer une chair à vif, de crier notre condition d’amas de chair et d’os ... évidemment tu es partout : en fond de toile, dans un aplat, en touches, dans un objet, dans une surface, dans la chair.

Mais ce n’est pas là que tu m’attendais. C’était ailleurs, vers la fin, dans ces formes récurrentes que je n’avais jamais remarquées auparavant (et pourtant je la visite pour la 3ème fois cette expo), des flèches.

En tout, 7 flèches.

Tu n’étais pas la seule finalement, tes camarades jaune, bleu, gris et blanc avaient aussi leurs flèches, seulement pas autant que toi. Mais, je ne vais pas m’attarder sur tes camarades aujourd’hui comme je l’ai fait sur le bleu dans ma dernière lettre après Vinci. Je ne voudrais pas que cela devienne une habitude et que tu finisses par être blessée.

Ces flèches sont déroutantes. Elles pointent vers quelque chose mais je ne vois pas bien quoi. 

Elles viennent perturber par leur forme géométrique l’univers atrocement organique de Bacon, mais là non plus je ne vois pas bien pourquoi.

Peut-être… J’ose te livrer une supposition qui m’amuse beaucoup. Francis Bacon a beaucoup travaillé avec le photographe John Deakin, auquel il commandait, entre autres, des portraits. Il aurait plus travaillé à partir de ces portraits qu’à partir de modèles vivants, comme le faisait son camarade Lucian Freud. Tous deux arrivaient à exprimer quelque chose de la présence humaine, par le corps, mais aussi par l’esprit. Mais peut-être … ces flèches rouges étaient-elles tout simplement l’endroit où Bacon punaisait les photos de Deakin sur le mur ? Une sorte de rappel que c’était de là que tout avait commencé. Un sens donné (littéral comme figuré).

Merci, ma chère Rouge, tu m’as encore une fois ouvert les yeux sur un détail, qui une fois de plus n’en est pas un. Et puis tu m’as offert ce jeu rafraîchissant auquel je me suis prêtée comme une gamine... au plaisir de jouer à “où est Charlie ?” parmi les œuvres de Bacon au centre Pompidou !

Merci!


Avec toute mon amitié,

Stéphanie.

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