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Récit

Tout le monde est fatigué

TD de physiopathologie, un vendredi matin.

On entame la nième pathologie de ce cycle de formation. On a survécu aux cours sur - en vrac - le diabète, les cancers, la BPCO, les maladies infectieuses, la schizophrénie, l’AVC, … et aux milliers de connaissances associées, leurs facteurs de risques, leurs symptômes, leurs traitements, et le rôle – bien évidemment – de l’aide-soignant dans la prise en charge de chacune de ces pathologies.

Et nous sommes encore là, légèrement anesthésiés, certainement résignés, et surtout dociles à entamer la découverte de cette nouvelle pathologie annoncée sur notre emploi du temps par un acronyme : la SEP. 

On apprend qu’il s’agit de la Sclérose En Plaques.

Notre formateur, conscient de notre lassitude, propose une innovation pédagogique. Il nous distribue un article d’une revue médicale sur cette pathologie. Il va falloir qu’on s’accroche.

Et pourtant, tout le monde s’attelle consciencieusement à la lecture et, pour la plupart, découvre des données de disciplines jamais encore explorées : épidémiologiques, sociologiques, génétiques. Les corps se penchent sur l’article. Latifa a remis son blouson car les locaux sont mal chauffés, Paola penche la tête sur le côté ce qui fait tomber sa lourde tresse sur son épaule, Aurélie repose son front sur ses deux mains en signe de concentration totale, Alice lit discrètement à voix haute pour mieux comprendre ces phrases nouvelles, Renée Blanche fronce les sourcils, et Jacqueline a posé son chouchou sur sa table.

Un chouchou qui n’a l’air de rien, comme tous les chouchous : une masse informe de tissu lourd, recroquevillé, accueillant quelques cheveux solitaires n’ayant pas survécu au retrait de l’objet. Celui de Jacqueline a quelque chose en plus, quelques anneaux dispersés. Je me demande comment elle fait pour s’en servir. Avec des anneaux solides le chouchou perd son seul avantage : son élasticité. Ça lui donne un côté objet-bijou. 

Le formateur reprend avec un quizz pour s’assurer qu’on ait bien compris que la SEP a quelque chose à voir avec la gaine de myéline et que surtout, plus la maladie avance, plus elle limite les possibilités de celui qui en est atteint. On fait un petit détour pour découvrir que c’est une maladie dont la prévalence est plus forte dans les pays occidentaux que dans le reste du monde. Ok.

Tout le monde est fatigué. Par respect pour toutes celles et ceux qui en sont atteints, et par conscience professionnelle, on tient jusqu’au bout. 

Jacqueline a remis son chouchou-bijou.

Il est temps d’aller prendre l’air.

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