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Récit

Les brins un à un

Quand on est dans un amphi, on ne voit que des dos.

Dans notre amphi d’aides-soignantes, je ne vois que des dos et des tresses.

Des tresses d’une diversité étonnante.

Diversité de couleurs : brun, or, ocre, blanc, rouge, violet…

Diversité de formes : ronds, carrés, triangles, vagues, croix…

Je passe la moitié de mes cours à dessiner des tresses, à tel point qu’un jour, Amie propose de m’en faire. Elle prend une photo de mes cheveux et me dit qu’au pays elle choisira une couleur qui aille avec mes cheveux.

Elle part pour l’enterrement de son père.

Elle revient sans tresses pour moi.

Pas de tresses africaines cette année.

 

Le sujet cheveux n’est pas clos pour autant. Olivia s’en empare très vite. Son métier précédent – coiffeuse – et l’ampleur de l’étendue des dégâts l’y obligent.

Il faudra des huiles, des séchages, des masques, et surtout, surtout, « s’il te plaît, ma chérie », une prise de conscience qu’il faut que je prenne soin de mes cheveux.

Finalement mes cheveux sont plus présentables, mais toujours sans tresses africaines.

 

L’envie de tresses, tout comme l’envie de bissap, de jus de bouye, d’aguardiente, de brigadeiro, ou de gelée de gingembre correspond à un désir de faire communauté, de partager quelque chose alors que nous nous croyons si différents. De par nos cultures, nos origines, nos croyances, nos langues, nos couleurs de peau, notre éducation.

Ce que nous voyons moins, c’est pourtant que nous partageons quelque chose d’essentiel : les valeurs associées au soin, l’attention portée à l’autre, la colère face à un système imparfait, et une volonté d’acier, celle de tenir jusqu’au bout pour devenir soignant.

 

Et, tout comme les tresses liant fortement les brins un à un, dans toute leur diversité, nous sommes tous intensément liés à la fois par notre désir et à la fois par un rythme, une exigence à suivre.

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