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Récit

En douceur

Elle n’a pas 30 ans.

Et il y a peu d’espoir de guérison.

Pourtant elle nous sourit à chaque instant, dès qu’on entre dans sa chambre.

Même si la nuit a été scandée de douleurs insupportables et de nausées, elle nous annonce avec douceur le matin comme si de rien était : « non merci, je ne suis pas sûre que le petit déjeuner va passer aujourd’hui ». Et toujours avec son sourire.

L’équipe est admirative, beaucoup disent que si elle est encore là c’est parce qu’elle ne se laisse pas abattre et qu’elle voit les choses positivement.

 

Quelques mois plus tôt, une intervenante dans notre formation nous avait invités à faire l’exercice d’identifier les croyances dans le milieu hospitalier. Et pas seulement les croyances religieuses des patients.

La mouche m’était revenue en mémoire. Lors de mon premier stage, en gériatrie, une patiente était au plus mal. Les soignants avaient tous remarqué un changement de comportement, une faiblesse extrême, et tous pensaient que c’était bientôt la fin. Un matin, lors de la réunion de service, l’infirmière nous annonçait très sérieusement que la veille, elle avait vu une mouche, et que c’était un signe. La présence d’une mouche était annonciatrice de la mort. Et en plus sa peau était toute belle. C’était sûr, elle allait mourir. J’y ai cru. Quelques semaines plus tard, à la fin de mon stage, la patiente était toujours là.

 

Cette intervenante en formation nous avait prévenu : les croyances sont très nombreuses à l’hôpital, surtout en oncologie. Le registre guerrier resurgit souvent chez les soignants : « il faut se battre » contre une maladie.

 

Avec notre patiente souriante, il y a quelque chose de cet ordre-là, mais en plus doux.

Elle a rendu sa chambre presque accueillante. Un tapis est posé dans un coin, des parfums d’ambiance nous enveloppent à notre arrivée, il y a même une fausse bougie posée sur le bord de la fenêtre. « C’est maman, elle est naturopathe ». Comme si le métier de sa mère justifiait à lui seul la présence d’une bougie sur le bord de fenêtre. 

Comme si, avec cette bougie, elle avait non seulement un peu de douceur et de lumière dans sa chambre, mais que c’était là un soin complémentaire à toute la chimio qu’elle avalait tous les jours.

Comme si, la bougie devait être là pour combattre.

En douceur.

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